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Une journée, un mois, une année…des vies

Pour clôturer le Mois de l’histoire des Noir.e.s, l’Université de l’Ontario français (UOF) partage une pluralité de points de vues et de propos de quelques-uns de ses membres de son personnel : qu’évoque pour elles et pour eux le thème de cette année « En février et en tout temps, célébrons l’histoire des communautés noires aujourd’hui et tous les jours »? 

Par Anaïs Latulippe

 

 

Des célébrations et un devoir de réussite

« Les célébrations me confirment que le Canada valorise l’apport des communautés noires dans la construction de sa société. » C’est en toute fierté que Daniel J. S. Bossikponnon, conseiller en gestion des ressources documentaires à l’UOF voit ce mois. Originaire du Bénin, il découvre depuis près de 4 ans ces festivités honorant l’héritage des Canadiennes noires et des Canadiens noirs et leurs communautés. Selon lui, le Canada a une belle politique d'intégration et d'ouverture sur le monde et le thème de cette année renforce cette idée « c’est un rappel. C'est un peu à l'image de la Journée internationale de la femme, une journée qui devrait être célébrée 365 fois plutôt qu’une. Certes le mois de février nous permet de rendre hommage à la richesse et à la diversité des contributions des personnes noires, mais il faut que ce soit constant, c’est-à-dire sans oublier le reste de l’année. » 

Pour Daniel, à cette célébration s’ajoute aussi une réflexion sur le fait que le Canada l’a accueilli. « J’ai le fort sentiment du devoir de réussite et d’à mon tour contribuer le plus possible dans ce nouveau pays. Pour moi, il s’agit d’une célébration dans les deux sens, je suis là et je suis bien accueilli et inclus. Ainsi il me faut contribuer le plus positivement possible, apporter ma pierre à l’édifice qu’est ce beau pays multiculturel. » La réflexion va encore plus loin pour lui, car toutes communautés immigrantes qu’elle soit noire, verte ou blanche ont la chance de jouer un rôle très important dans la vie du Canada. « En fait, je crois que ce sont toutes ces communautés qui participent à la construction du Canada et qu’il faut les célébrer chaque jour. Cela va motiver le devoir de reconnaissance comme pour dire : merci au Canada, nous sommes prêts à te redonner ce que tu nous as donné en nous accueillant si bien. »

Enfin!

« J’ai eu cette grande chance de nourrir mon identité du métissage de mes origines; une richesse qui façonne ma vision de la société au jour le jour. » Une réflexion que Carole Nkoa, vice-rectrice adjointe recrutement, communications, philanthropie de l’UOF met au cœur de notre conversation. « Le thème de cette année nous inspire en nous rappelant que chaque individu doit être convaincu de son droit à prendre sa place pour qu’il puisse s'épanouir avec respect et équité, et ce, en tout temps. » C’est selon elle une occasion de parler de notre vision de la diversité tout au long de l’année. « Enfin! » ajoute-t-elle, en tant qu’experte en communication, elle rappelle qu’en relation publique ce qui n’est pas dit, ni vu n’existe pas.

Ayant grandi entre le Cameroun, la France et le Canada, Carole se sent choyée d’avoir évolué entre plusieurs cultures. « Ma vision de la société est naturellement diverse. Le mois de février célèbre notre démocratie canadienne et surtout le courage de milliers d’hommes, de femmes et de jeunes, comme vous, comme moi qui œuvre, parfois aussi discrètement et silencieusement, tous les jours au respect et à l’équité pour les personnes noires et à honorer nos communautés. »

C’est beaucoup pour juste un mois!

« Dans le contexte canadien, alors que les communautés noires font partie des minorités, je pense que cette célébration prend tout son sens. L’inscrire dans une démarche moins temporelle est intéressant. » répond Chedrak Chembessi, professeur adjoint en Économie et innovation sociale. « C’est un rappel de prendre le temps de célébrer notre histoire et de mettre de l’avant les accomplissements des communautés noires, mais cela fait beaucoup pour un seul mois! » ajoute-t-il en rigolant. « J’ai même l’impression qu’on n’a pas le temps d’apprendre ou de se souvenir de toutes ces personnes qui ont accompli des choses formidables. » Pour Chedrak, aller au-delà des célébrités nous permettrait également de réellement prendre en considération les héroïnes et les héros du quotidien. « Il y avait un reportage récemment sur une dame, une préposée aux bénéficiaires à la retraire et qui a repris service à cause de la Covid. Ce sont des accomplissements quotidiens qui méritent d’être entendus ou vus. »

Arrivé au Québec en 2012, Chedrak a quitté son pays d’origine, le Bénin, dans le cadre du programme de volontariat international de l’Organisation internationale de la Francophonie lui permettant de travailler à l’Institut de la Francophonie pour le Développement Durable (IFDD), tout en faisant du bénévolat auprès de différentes associations communautaires. Par la suite, il décide de poursuivre ses études en faisant son doctorat entre la France et le Canada. Cet échange de culture vécu pendant ses études lui a permis de venir à la conclusion qu’ici, un grand nombre de gens ayant mené des combats d’équité pour les communautés noires sont connus et ont une certaine reconnaissance alors qu’il y a encore un peu de travail à faire de l’autre côté de l’océan. 
 

Un rappel encore nécessaire

« Il serait important de sortir de ce vase clos que présente le mois de février pour célébrer la communauté noire. On ressent comme une espèce d’obligation de la part des médias et des institutions de souligner des accomplissements des membres de la communauté durant cette période. Qu’en est-il des autres mois? » Carine Tuekam Kunche, registraire par intérim à l’UOF, est d’accord que les célébrations entourant le mois de févier devraient se faire tout au long de l’année. « Je souhaiterais que ce soit la norme, que les gens célèbrent les accomplissements de toutes et tous, en fait, sans distinction ou précision de couleurs, mais malheureusement on n’est peut-être pas réellement encore rendu là. »  Ajoute-t-elle.

« Le mois de février a peut-être son importance en cela de rappeler la nécessité d’étendre ces célébrations à notre quotidien. » Ses réflexions se posent surtout pour la jeunesse pour qui elle souhaiterait voir le narratif évolué. « Que les jeunes puissent croire en eux-mêmes, voir au quotidien que des gens comme eux, de toutes origines qui contribuent et influencent positivement notre société. »

Arrivée au Canada du Cameroun en tant qu’étudiante internationale, Carine a fait ses études universitaires en ressources humaines, en droit du travail et en sciences sociales. « Un parcours n’est jamais linéaire, encore moins pour une étudiante internationale. »  S’étant heurtée à plusieurs portes à Montréal, elle décide de déménager en Alberta. Peu de temps après, Carine a commencé à travailler comme secrétaire au campus de la faculté Saint-Jean à l’Université d’Alberta. Au fil des années, elle a franchi les échelons en passant d’adjointe aux admissions au bureau de registrariat. En parallèle Carine a fondé une ONG dédiée à l'éducation et à la santé pour aider des orphelins.es et enfants défavorisé.e.s en Afrique.

Au-delà de la conversation

« J’ai le teint très clair et les gens ne savent jamais réellement où me situer. Pourtant je suis noir. » explique Brice Robert, architecte de solutions numériques pour l’enseignement et l’apprentissage. Originaire de Madagascar, Brice voit le mois de février comme une reconnaissance des communautés noires. « On est tous différents, mais je dirais que ce mois permet de nous rassembler. C’est l’occasion de se réunir entre nous. On se commémore ce que nos histoires ont en commun; nos ascendances africaines, le passé esclavagiste de nos peuples, mais c’est aussi un rappel de la richesse de nos communautés et de notre impact culturel. »

En tant qu’informaticien, dès que l’occasion se présente, il participe à des initiatives de personnes issues des communautés noires qui œuvrent dans le milieu technologique. « C’est un peu ma manière de participer et prendre part à la célébration des communautés afin de partager mon expérience dans l’industrie. » ajoute-t-il.

Pour Brice, célébrer l’histoire des communautés noires sur un mois n’est pas suffisant, il irait encore plus loin. « Idéalement on devrait retrouver une entité qui aurait un poids politique. Je pense que toutes les minorités devraient pouvoir avoir un représentant, un conseiller ou un ministre pour intégrer d’avantage ces communautés aux conversations politiques à longueur d'année. Cela donnerait probablement des possibilités et des avancements sociaux encore plus concrets. »